Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Khayyam et Ronsard !

par Hamid

publié dans souvenirsetidees

L’année 2008 est là depuis une quinzaine de jours. En guise des « bons vœux de la nouvelle année », j’invite à méditer sur ces quatrains du poète persan Khayyam (1048 – 1131) et « Mignone, allons voir si la rose » du poète français Pierre Ronsard (1524 – 1585) :  


QUELQUES QUATRAINS D'OMAR KHAYYAM

 

 

O cœur, puisque en ce Monde, au fond tout est chimère,
Pourquoi tant de soucis devant ce long calvaire?
Obéis au Destin et supporte le mal,
Car la plume ne peut revenir en arrière.
 

*********

Quand l’arbre de ma vie, écroulé dans l’abîme,
Sera rongé, pourri, du pied jusqu’à la cime,
Lors, si de ma poussière on fait jamais un pot,
Qu’on l’emplisse de vin, afin qu’il se ranime!
 

*********

Buvant dans une coupe énorme, sans pareille,
Je me croirai très riche en vidant la bouteille,
Alors, répudiant la Raison et la Foi,
J’épouserai la fille exquise de la treille!
 

*********

C’est une coupe d’art. La Raison tour à tour
L’admire et sur son front met cent baisers d’amour.
Mais le Temps, fol potier, prend cette coupe fine
Qu’il a faite, et s’amuse à la détruire un jour.
 

*********

Bois du vin : il soustrait le cœur à bien des peines,
Comme aux soixante-douze ordres, avec leurs haines?
Allons, ne t’abstient pas d’un élixir pareil
Dont tant soit peu guérit les maux par centaines.
 

*********

Amuse-toi! D’avance on régla ton destin
En marquant pour tes vœux un mépris souverain.
Vis donc joyeux! Hier, sans que tu le demandes,
On a déjà fixé tes actes de demain.
 

*********

Faites-moi dans du vin l’ablution dernière;
Sur mon corps, en buvant, récitez la prière.
Venez donc, chers amis, au Jour du Jugement,
Au seuil de la taverne, y chercher ma poussière.

********* 

Viens; prends la coupe et laisse à Mahmoud son empire.
Les beaux chants de David, entends-les sur ma lyre.
Hier n’est plus demain n’est pas là, vis joyeux
Maintenant, car le but de la vie est le rire.
 

*********

Lève-toi, voici l’aube, ô toi qui nous rends fous,
Pince la harpe et bois du vin, tout doux, tout doux.
Ceux qui dorment encore n’en seront point fâchés;
Ceux qui s’en vont jamais ne reviendront vers nous.

********* 

Qu’est-ce donc que ce Monde? Un Séjour Provisoire
Où sans cesse le jour succède à la nuit noire.
Cent rois comme Djamchid y vinrent tour à tour,
On y vit cent Bahram mourir en pleine gloire.
 

*********

Vois! De nouveau sur l’herbe un nuage est en pleurs.
Pour vivre il faut du vin aux charmantes couleurs.
C’est nous qui contemplons aujourd’hui ces verdures;
Ah! Qui contemplera sur nos tombes les fleurs?
 

*********

Chaque tuliperaie, ici-bas, autrefois,
Fut sans doute arrosée avec le sang des rois,
La feuille de violette, un jour, avant de naître,
Fut un grain de beauté sur un divin minois.
 

*********

Tant que tu vis, crois-moi, ne cherches pas en vain
A jamais faire un pas en dehors du Destin.
Dédaigne l’ennemi, fut-ce Rostam lui-même
Vers l’ami, fût-ce Hatam, ne tends jamais la main. 

*********

J’ai vu chez un potier, dans de vastes espaces,
Deux milles pots, les uns muets, d’autres loquaces
A son voisin un pot disait où sont allés
Le potier, l’acheteur et le vendeur rapaces?

*********

Nous ignorons tous deux les secrets absolus.
Ces problèmes jamais ne seront résolus.
Il est bien question de nous derrière un voile;
Mais quand il tombera, nous n’existerons plus.

*********

Comme une boule, au gré de la Fatalité,
Roule à droite et tais-toi, quoique à gauche jeté,
Pauvre homme, car celui qui t’amène en ce Monde,
Lui seul, Lui seul, Lui seul connaît la vérité! 

*********

Hier, au bazar, je vis un potier qui, fébrile,
De nombreux coups de pieds frappait un tas d’argile
Et cette boue, alors, s’est mise à murmurer :
J’étais comme toi, laisse-moi donc tranquille! 

*********

Si!, comme Dieu, j’avais en main le Firmament,
Je le démolirais sans doute promptement,
Pour bâtir à sa place, enfin, un nouveau Monde,
Où pour les braves gens tout viendrait aisément. 

*********

Nous amusons le Ciel, pauvres marionnettes!
(Sans nulle métaphore, oh, les choses sont nettes!)
Un à un nous rentrons au coffre du Néant,
Après avoir joué, sur terre, nos saynètes.

*********

Le livre des beaux jours, hélas! finit trop vite.
Déjà le doux printemps d’allégresse nous quitte.
Cet oiseau de gaîté dont Jeunesse est le nom,
Je ne sais quand il vint, ni quand il prit la fuite.

*********

La nuit a dans sa robe un trou de clair de lune.
Bois du vin : On n’a pas toujours cette fortune.
Sois heureux et jouis : après nous bien des fois.
La lune éclairera nos tombes une à une.

*********

Beau dessin de la coupe, oh! qui t’a composé ?
A t’effacer qui peut se croire autorisé?
Las! quel amour créa ces pieds, ces mains, ces têtes,
Et par quelle fureur tout cela fut brisé!

*********

Je boirai tant et tant qu’une odeur de vin fort
Sortira de la tombe où dormira mon corps,
Et que les gens passant tout près du cimetière,
S’ils sont à peine gris, tomberont ivres-morts.

*********

Après avoir sculpté les êtres, mains divines.
Pourquoi donc brisez-vous ces pauvres figurines?
Sont-elles sans défaut? Pourquoi donc les casser?
Est-ce leur faute enfin de n’être pas assez fines?

*********

Ils sont passés les jours d’une existence vaine,
Comme l’eau du ruisseau, comme un vent sur la plaine,
Un jour est déjà loin, l’autre n’est pas encore,
Pour ce double néant pourquoi me mettre en peine?

*********

Ni les actes - mauvais ou bons - du genre humain,
Ni le bien, ni le mal que nous fait le Destin,
Ne nous viennent du Ciel, car le Ciel est lui-même
Plus impuissant que nous à trouver son chemin.

*********

Khayyam, ayant l’ivresse et point d’ennui -sois gai.
Près d’une exquise idole étant assis, -sois gai.
Tout devant aboutir au néant dans ce monde,
Dis -toi que tu n’es plus; puisque tu vis, sois gai.

*********

Dans l’immense Univers à l’invisible pôle,
Bois gaiement : car chacun du mal verra la geôle.
Et quand viendra ton tour de souffrir, reste calme :
C’est un verre où chacun doit boire à tour de rôle.

*********

Cet Univers, où seul le vertige gouverne,
Rappelle en vérité la magique lanterne.
La lanterne est ce Monde et Phébus le foyer;
Les hommes des dessins qu’un grand effroi consterne.

*********

Hier, au cabaret, je rencontrai soudain,
Un vieux qui sur son dos portait un pot tout plein.
Je lui dis : O vieillard, songe à Dieu, quelle honte!
Il répondit : Espère en Dieu, va, bois du vin!

*********

Vois fuir la caravane étrange de nos jours.
Prends garde! Ne perds pas ces doux moments si courts!
En chanson, laisse donc nos misères futures;
Donne la coupe, allons! La nuit passe! Au secours!

*********

Hier est déjà loin; à quoi bon y penser?
Demain n’est pas venu; pourquoi gémir d’avance?
Laisse ce qui n’est plus ou qui n’est pas encore;
A l’instant même prends ta part de jouissance!

*********

Comme moi, cette cruche un jour fut un amant,
Esclave de cheveux de quelque être charmant.
Et l’anse que tu vois à son col attachée,
Fut un bras qui serrait un beau cou tendrement.

*********

Vidant avidement la cruche, j’ai tenté
D’apprendre les secrets de la longévité.
Et la cruche m’a dit : Ç Bois donc du vin sans cesse.
Nul ne revient au Monde après l’avoir quitté.

*********

Le ciel à mon oreille a dit en grand secret :
Ne m’impute donc pas ce que le Destin fait.
Si dans mon tournoiement j’avais un mot à dire,
Mon tour de vagabond serait - il ce qu’il est?

*********

J’étais un épervier. D’une étrange contrée
Je m’envolai, croyant atteindre l’Empyrée.
Or, je n’ai pas trouvé l’âme sœur ici-bas
Et je suis ressorti par la porte d’entrée.

*********

D’aucuns cherchent en vain à définir la Foi,
Et d’autres, pris de doute, ont l’âme en désarroi,
Mais soudain va surgir un messager céleste
Disant : Pourquoi ces deux fausses routes, pourquoi?

*********

A boire! Car mon cœur en cendres se réduit
L’existence, pareille au vif-argent, s’enfuit.
Viens au secours! Le vin enflamme la jeunesse,
Et la fortune vient, quand on s’endort, sans bruit.

*********

En chanson, les humains qui sont partis avant,
Dorment sous la terre, eux si fiers de leur vivant.
Va boire, Ecoute un peu cette vérité claire :
Tout ce qu’ils nous ont dit, mais tout , c’était du vent!

*********

Bois du vin, sous la terre, un jour, tu dormiras.
Sans aucun compagnon, sans femme dans tes bras,
A personne ne dis ce secret formidable :
Coquelicot fané ne refleurira pas.

*********

Nos amis ont fini par disparaître tous,
Ayant de la Mort affronté le courroux.
Buvant du même vin au banquet de la vie,
Ils se sont enivrés quelques tours avant nous.

*********

Vois l’herbe dont le bord du ruisseau s’agrémente.
On dirait le duvet d’une lèvre charmante.
Ne pose pas tes pieds sur l’herbe avec dédain,
Par là le sol était un visage d’amante.

*********

Au palais où régnait Bahram, le grand monarque,
Le Lion se prélasse et la Gazelle parque.
Bahram prenait l’onagre au moyen d’un lacet;
Vois donc comme il fut pris lui -même par la Parque.

*********

On me dit : Qu’elle est belle, une houri des Cieux!
Je dis, moi, que le jus de la treille vaut mieux.
Préfère le présent à ces bonnes promesses :
C’est de loin qu’un tambour paraît mélodieux!

*********

Prends gobelets et cruche, ô toi, charme complet,
Promène-toi sur l’herbe au bord du ruisselet;
Car le Ciel a changé le corps de tant de belles
Cent fois en cruche et puis cent fois en gobelet.

*********

Qu’il fait bon! Point de froid ni de lourdes chaleurs.
Dans le parc, un nuage époussète les fleurs.
Et le rossignol dit aux pâles roses jaunes :
Il fait boire du vin aux charmantes couleurs!

*********

Dès l’aube, à la taverne une voix me convie,
Disant : Folle nature au plaisir asservie,
Lève-toi, remplissons notre coupe de vin,
Avant qu’on ait rempli la coupe de la vie!

*********

Le soleil a dressé l’échelle du matin.
Le roi du jour a mis dans sa coupe du vin.
Bois donc : tel un héraut, l’aube, à travers le Monde
Répète ces deux mots comme un ordre divin.

*********

Pierre de RONSARD, "Mignonne, allons voir si la rose"

A Cassandre


Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.

Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vrayment marastre Nature,
Puis qu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !

Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.

 

Les Odes

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article